La résistance et la désobéissance civile ? Un sujet toujours d'actualité. De nos jours, les Indignés, les Anonymous, les Zadistes et tant d'autres citoyens engagés et parfois révoltés veulent exprimer leurs convictions citoyennes en s'affranchissant des traditionnels relais politiques, dans un désir de démocratie directe engagée. Tous ces collectifs engagés sont des descendants spirituels de " La Désobéissance civile ", un essai de Henry David Thoreau publié en 1849. Thoreau écrit sur le thème de la désobéissance civile en se fondant sur son expérience personnelle. En juillet 1846, il est emprisonné pour n'avoir pas, volontairement, payé un impôt à l'État américain. D'après lui, l'Etat ne représentait pas ses convictions : notamment en faisant la guerre contre le Mexique et en soutenant à l'époque l'esclavage, dans les Etats du Sud. Il ne passe qu'une nuit en prison, car son entourage paie la caution, ce qui le rend furieux. Avec le Discours de la servitude volontaire d'Étienne de La Boétie, La Désobéissance civile est un ouvrage fondateur du concept de désobéissance civile.
Paris, avril 1850. Un jeune homme fait paraître ce qui peut être considéré comme le premier manifeste anarchiste de l'histoire. Publié dans le premier numéro de L'Anarchie. Journal de l'ordre, ce Manifeste constitue un virulent plaidoyer contre la farce électorale, la fourberie des partis politiques, ainsi qu'un vibrant appel à l'abstention généralisée.
On sait peu de choses du singulier personnage que fut Anselme Bellegarrigue (1813-1869), sinon qu'il a été l'un des observateurs les plus lucides des lendemains de la révolution de 1848 et qu'il a su voir que les pouvoirs du peuple risquaient d'être accaparés par ses représentants.
Mais ce qui caractérise Bellegarrigue et le rend si actuel, c'est sans l'ombre d'un doute sa défense acharnée de la liberté.
« Nous voici retournés au coeur des contradictions qui rendent cette histoire décisive. Parce que les Grecs se sont posé les questions que nous n'avons cessé de retrouver depuis. Parce qu'ils ont consigné avec une clarté sans pareille les différentes réponses possibles. Qu'ils ont analysé avec minutie les tenants et aboutissants des cas de conscience dont seraient tissés pour toujours nos débats politiques. Ils ont eu le génie de donner aux événements de leur histoire une portée universelle en dégageant ce qui relève, dans leurs causes, des permanences de la nature humaine ; ce qui tient, dans leurs conséquences, des lois de la politique. »
Parcourant le Ve siècle grec, des origines des guerres médiques à la fin de la guerre du Péloponnèse, Michel De Jaeghere ne se contente pas ici de faire le récit frémissant de cet apogée de la civilisation hellénique. Il a suivi à la trace les débats, les dilemmes, les conflits inhérents à la naissance du patriotisme, de sa dilatation dans le panhellénisme à sa caricature en volonté de puissance, et de l'échec tragique auquel la tentation de l'impérialisme avait conduit Athènes, aux crises de sa démocratie. Fidèle à la méthode inaugurée dans son Cabinet des antiques (Les Belles Lettres), il prend appui sur Hérodote, Thucydide, Isocrate, Platon, quelques autres, pour faire dialoguer les textes antiques avec notre propre histoire et tenter de dégager, dans l'expérience des Grecs, ce qu'ils ont à nous dire d'essentiel, de vital sur nous-mêmes. L'histoire du grand siècle d'Athènes en sort comme rajeunie.
Ce nouvel essai d'Alain Deneault poursuit les réflexions entamées dans La médiocratie quant aux effets délétères qu'ont la technocratie capitaliste et l'individualisme sur le débat public. L'auteur nous invite à rompre avec la dynamique des querelles identitaires où chacun se rapporte à sa conscience comme à un bâton dont on se sert pour frapper autrui. Il déplore la dégradation en clichés de catégories pourtant importantes - privilège, racisme systémique, censure, fascisme - tout en portant un regard critique sur une droite conservatrice qui défend bec et ongles la liberté d'expression pour les seuls discours qui lui conviennent.
S'interrogeant sur la difficulté de concevoir l'émancipation là où dominent les usages opportunistes de la parole, il rappelle l'importance des enjeux sur lesquels portent ces débats : le commun, l'égalité, la culture, la critique du capital et la suite du monde.
« Coralie Delaume nous a quittés le 15 décembre 2020, laissant derrière elle une famille, des amis et des camarades de combat bouleversés par la violence et la précocité de ce départ. Elle lègue une oeuvre riche mais malheureusement inachevée, car elle avait tant à apporter encore au débat public.
En octobre 2021, nous fondions l'Association des Amis de Coralie Delaume, dont le but est de faire vivre sa pensée et, plus largement, le débat intellectuel. Ce livre constitue le premier témoignage de nos travaux. De nombreux intellectuels, essayistes, journalistes, qui avaient participé aux journées et conférences organisées par notre association, ont accepté que leurs interventions soient publiées dans un ouvrage autour des thèmes de la souveraineté, de l'Europe et du peuple. Qu'ils soient tous ici chaleureusement remerciés d'avoir participé à cette oeuvre collective. »
Qu'est-ce que l'anarchie et que veulent les anarchistes ? Un humaniste curieux et désireux de comprendre interroge son fils, un militant anarchiste qui s'est penché sur le sujet.
Au fil de leur dialogue, les deux hommes remontent aux racines des notions d'anarchie et de démocratie. Ils évoquent certaines figures de l'anarchisme et les différents courants de ce mouvement révolutionnaire, tout en illustrant leurs propos d'exemples tirés du monde d'aujourd'hui. Ensemble, ils analysent la critique anarchiste des grands systèmes de domination - l'État, la religion, le patriarcat, le capitalisme et le racisme - et offrent ainsi une initiation vivante et originale à l'anarchie.
« Celui qui ne sait pas garder le secret, ses affaires péricliteront à coup sûr, même si elles avaient d'abord réussi, comme un bateau désemparé sur l'océan. »
Ce texte est le traité de politique par excellence de l'Inde ancienne. Son objet n'est pas de s'interroger sur la meilleure forme de gouvernement. Pour son auteur, la réponse à cette question est claire : le seul régime valable est la monarchie, le roi doit concentrer tous les pouvoirs et, sans un pouvoir fort, on tomberait dans la violence anarchique. Sur cette base, le texte est rédigé comme un manuel d'instruction princière : comment le souverain doit-il asseoir le pouvoir de l'État, comment doit-il réguler l'économie et comment doit-il se comporter en politique étrangère, avec ses alliés et ses ennemis ? Le titre sanskrit de cet ouvrage pourrait être traduit par « Traité du profit ».
La politique occupe en effet la place essentielle dans la « science du profit » qui constitue, dans l'Inde classique, l'un des trois grands objets de l'activité humaine, les deux autres étant le devoir et le plaisir. L'Arthashatra, après des siècles d'oubli, n'a été redécouvert qu'en 1905 par Rudrapatna Shamasastry alors que ce chercheur effectuait le catalogage des manuscrits (sur feuilles de palmier) de la Mysore Oriental Library. Ceci pose la question des manuscrits et de la transmission du savoir en Inde, dont l'histoire est bien différente de la tradition occidentale. Pour donner quelques éléments de compréhension de ce contexte, l'ouvrage est illustré par les photos de manuscrits, d'archives et d'archivistes indiens réalisées par Anthony Cerulli dans le cadre de son projet « Manuscriptistan », ainsi que d'une notice présentant la tradition ecdotique indienne.
Zapatistes, Indignés, Occupy, Printemps érable et Gilets jaunes. Alors que certains érigent ces mouvements populaires en idéal de la démocratie directe, d'autres n'y voient que des mobilisations certes sympathiques mais insignifiantes, quand ils ne tentent pas de les discréditer en les associant à la violence.
S'appuyant sur une grande diversité d'expériences des pratiques démocratiques d'hier et d'aujourd'hui, y compris hors de l'Occident, Francis Dupuis-Déri propose une réflexion inspirée et critique. Ce récit de la lutte historique entre agoraphobie et agoraphilie, entre la haine et l'amour de la démocratie directe, offre une analyse approfondie des arguments et des manoeuvres des deux camps et du rapport délicat entre le peuple assemblé à l'agora pour délibérer (le dêmos) et celui qui descend dans la rue (la plèbe).
D'abord paru en 2016, cet ouvrage à la fois original et provocateur est d'autant plus stimulant qu'il se situe à la croisée des chemins de la philosophie politique, de l'anthropologie et de la sociologie.
Les réflexions politiques d'Antonio Gramsci, qui sont contenues dans une trentaine de cahiers rédigés dans les geôles de Mussolini de 1929 à 1935, révèlent une pensée complexe, originale et profonde. En centrant son analyse sur la notion d'intellectuel, Jean-Marc Piotte donne une interprétation cohérente de l'ensemble de cette oeuvre et explique l'apport important de ce penseur, qui renouvelle la théorie marxiste en soulignant le rôle crucial des luttes culturelles dans les luttes politiques.
Ce livre, paru pour la première fois en 1970, est précurseur de l'intérêt croissant pour un penseur politique du début du xxe siècle dont la pensée est d'une actualité flagrante, notamment pour ce qu'il dit du rôle politique de l'intellectuel en temps de crise.
Le capitalisme nuit gravement. Surtout aux femmes. Il les confine à la dépendance envers les hommes et les contraint de soumettre leurs relations intimes à des considérations économiques. Voilà ce que Kristen Ghodsee a conclu des vingt années qu'elle a passées à observer les répercussions de la transition du socialisme d'État au capitalisme sur le quotidien des habitantes des pays de l'ancien bloc de l'Est. Sans pour autant réhabiliter les dictatures du communisme réel, elle démontre qu'il y avait beaucoup à sauver des ruines du Mur, et que, contre le mortifère triomphalisme néolibéral d'aujourd'hui, il est encore temps de raviver l'idéal du socialisme.
D'une plume libre et généreuse qui va de l'anecdote personnelle à l'analyse de statistiques, en passant par les notes de terrain, l'anthropologue s'adresse d'abord aux jeunes femmes, puis à quiconque souhaite contrecarrer les effets délétères du libre marché. Sous l'égide des grandes figures féministes du socialisme, Alexandra Kollontaï, Rosa Luxemburg, Clara Zetkin, elle aborde tous les aspects de la vie des femmes - le travail, la famille, le sexe et la citoyenneté - et propose des pistes pour qu'elles aient une vie (sexuelle) plus épanouie.
Né en Algérie en 1894 et mort en banlieue parisienne en 1953, l'anarchiste kabyle Mohamed Saïl fut toute sa vie un infatigable militant antimilitariste, anticolonialiste et anticapitaliste. Insoumis et déserteur pendant la Première Guerre mondiale, il s'engagea sans hésiter dans la colonne Durruti lors de la guerre d'Espagne pour combattre les fascistes et participer à la révolution. Harcelé par la police, arrêté et emprisonné plusieurs fois, il n'a jamais pour autant cessé de contribuer à divers journaux nord-africains et français et d'en assurer la diffusion, d'organiser des comités de lutte et de participer à nombre de meetings et manifestations.
Cette anthologie regroupe une trentaine de ses textes écrits entre 1924 et 1951, qui ciblent spécialement l'oppression coloniale française en Algérie ainsi que le racisme meurtrier et souvent hypocrite de l'administration républicaine, tout en appelant ses camarades algériens et français à se méfier des fausses solutions et à rejoindre les rangs des anarchistes. La colère de Mohamed Saïl résonne particulièrement avec celle des soulèvements populaires d'aujourd'hui.
« Le discours solidaire des puissants n'est qu'un leurre, puisqu'en réalité ils comptent bien davantage sur l'égoïsme et l'isolement des individus pour asseoir leur pouvoir. Le xxe siècle a été l'occasion de faire croire aux populations du monde, et en premier lieu à celles des pays industrialisés, que le "chacun pour soi" était la voie unique de la réussite. Le capitalisme [...] a conduit à des aberrations inédites en matière d'inégalités sociales, de concentration du pouvoir, d'endoctrinement des masses par la culture de la consommation, de pollution massive et critique de l'environnement.
La solidarité dont nous avons besoin est bien différente de celle que nous offrent les gouvernants. Nous avons besoin d'une solidarité fondée sur l'aide mutuelle, sur le respect de l'égalité et de la liberté de toutes les femmes et de tous les hommes qui forment la société. La solidarité que nous propose Malatesta est la seule porteuse de progrès, de justice sociale et, en définitive, de liberté. »
Serge Roy, extrait de la préface
Toutes les forces politiques se réclament aujourd'hui du mot « démocratie ». Or l'étude des discours des « pères fondateurs » des prétendues « démocraties » modernes aux États-Unis et en France révèle que ces derniers s'opposaient à un régime où le peuple se gouverne seul, et associaient cette idée au chaos et à la tyrannie des pauvres. Comment expliquer que le régime électoral actuel soit perçu comme l'ultime modèle « démocratique », alors qu'il a été fondé par des antidémocrates déclarés ?
Après avoir puisé dans diverses sources du passé, l'auteur dévoile ici une étonnante aventure politique où s'affrontent des personnalités et des forces politiques qui cherchent à contrôler les institutions des régimes fondés à la fin du XVIIIe siècle. Deux siècles plus tard, alors que la planète entière semble penser que « démocratie » est synonyme de « régime électoral », toute expérience d'un véritable pouvoir populaire se heurte toujours au mépris des élites.
Avec La Révolution brune, de David Schoenbaum, l'étude du nazisme est passée au stade scientifique, à la froide objectivité de données sociologiques et quantitatives. 1933, date de l'accession de Hitler au pouvoir, plus que 1918, date de la déposition de Guillaume II, marque le début réel d'un processus de « modernisation » de l'Allemagne traditionnelle. Arrivé au pouvoir avec une idéologie prônant le retour à la terre et à la petite entreprise, plus généralement à une image mythique de l'Allemagne médiévale, féodale ou barbare, le régime nazi accéléra dans la pratique le processus de transformation du pays en une société industrielle moderne, n'empêchant finalement ni l'exode rural, ni la liquidation de la petite entreprise, ni le travail féminin, « démocratisant », mieux que ne l'avait fait la République, l'armée et les administrations, en noyant les élites aristocratiques et bureaucratiques traditionnelles sous un flot d'arrivisme petit-bourgeois. En 1945, terme du processus, année zéro d'une nouvelle Allemagne, la vieille Prusse a cessé d'exister. Paradoxalement, le nazisme a créé les conditions d'exercice du régime démocratique stable qu'est la République fédérale.
Le colon, figure mitoyenne qui ne se trouve ni dans la position invivable du colonise ni dans celle, indefendable, du colonisateur, est généralement relégué au statut de figurant du récit colonial. Complétant le diptyque de Memmi, Alain Deneault révèle ici l'idiot utile, voire indispensable, de l'accaparement du territoire, une figure qui n'existe qu'en solidarité absolue avec la classe qui le domine, mais dont l'impuissance politique et économique l'autorise à s'identifier, lorsque opportun, au colonisé.
Le decor ou Alain Deneault campe son personnage : le Canada. Coince entre un passe colonial qu'il veut oublier et un essor republicain sans cesse ajourne, ce territoire qu'on appelle « pays » n'excelle que dans la mediocrite de ses politiques d'extreme centre, mais il livre a la pensee politique un objet d'importance : la condition du colon qui fut celle de la majorite de sa population et qui le reste de mille facons inavouees.
Dès la fin du XIXe siècle, des anarchistes comme les géographes Pierre Kropotkine ou Élisée Reclus se sont intéressés aux peuples autochtones, qu'on a aussi qualifiés de « sociétés sans État ». Au début des années 2000, un peu partout sur le continent américain, des Autochtones ont modelé la notion d'« anarcho-indigénisme » pour attirer l'attention des anarchistes sur l'histoire et, surtout, sur l'actualité de leurs luttes.
Ce livre se veut une invitation à l'écoute, au dialogue et à l'engagement solidaire et complice. Dans leurs entretiens, Roxanne Dunbar-Ortiz, Véronique Hébert, Gord Hill, Freda Huson, J. Kehaulani Kauanui, Clifton Ariwakehte Nicholas et Toghestiy révèlent ce que pensée et traditions autochtones et anarchisme ont en commun, sans nier les séquelles que le colonialisme a laissées jusque dans ce mouvement pourtant anti-autoritaire. Une vision du monde qui allie anticolonialisme, féminisme, écologie, anticapitalisme et anti-étatisme.
Où est Ulrike Meinhof? Sur les avis de recherche, placardés dans toute l'Allemagne de 1970, on offrait 10 000 marks de récompense à qui saurait la repérer. Introuvable pendant deux ans, partie s'entraîner aux techniques de guérilla, impliquée dans des vols de banques et de voitures, l'ancienne journaliste devenue insurgée clandestine est jetée en prison en 1972, puis retrouvée pendue dans sa cellule le 9 mai 1976. Le combat contre l'impérialisme, le fascisme et le capitalisme militarisé était la raison d'être de la Fraction armée rouge (RAF), dite la bande à Baader, qui s'inspirait de certains mouvements insurrectionnels de l'époque comme les Black Panthers aux États-Unis, les Brigades rouges en Italie ou les Tupamaros en Uruguay.
Qui est-elle, Ulrike Meinhof, au-delà du mythe entourant sa vie spectaculaire et son implication au sein de la RAF? «L'Allemande la plus brillante depuis Rosa Luxemburg», résumait le poète Erich Fried lors de son éloge funèbre. Immense figure de l'extrême-gauche, sorte de sorcière rouge à laquelle on a tristement accolé l'image d'une terroriste diabolique, Ulrike Meinhof avait auparavant mené une prolifique carrière de journaliste, connue et respectée dans tout le pays. Pour embrasser la guérilla, elle a tiré un trait sur sa vie de bourgeoise, d'épouse et de mère.
Les chroniques d'Ulrike Meinhof, publiées dans la célèbre revue konkret de 1959 à 1969, jettent un vif éclairage sur les conflits et les bouleversements qui ont marqué cette décennie. Elle analyse la guerre froide, la présence d'anciens fascistes au pouvoir, la liberté d'expression sur fond de guerre du Vietnam, la justice sociale et la subordination des femmes. Son écriture s'y révèle mordante et profondément engagée.
Protester, c'est dire «je n'accepte plus cela». Résister, c'est faire en sorte que plus personne ne l'accepte.
Textes choisis et présentés par Karin Bauer o Préface de Elfriede Jelinek o Traduit de l'anglais et de l'allemand par Isabelle Totikaev et Luise von Flotow
Qu'est-ce que le capitalisme? Cette question, l'histoire la pose chaque fois que ce système entre en crise, étalantau grand jour ses absurdités. Pour y répondre, il faut en comprendre les origines. Voilà ce que propose Ellen Meiksins Wood dans cet ouvrage initialement paru en 2009.
Personne ne niera que le capitalisme a permis à l'humanité d'accomplir des avancées notables sur le plan matériel. Mais il est devenu aujourd'hui manifeste que les lois du marché ne pourront faire prospérer le capital qu'au prix d'une détérioration des conditions de vie d'une multitude d'individus et d'une dégradation de l'environnement partout dans le monde. Il importe donc plus que jamais de savoir que le capitalisme n'est pas la conséquence inévitable des échanges commerciaux et marchands que l'on retrouve dans presque toutes les sociétés humaines. Le capitalisme a une histoire très singulière et un lieu de naissance bien précis: les campagnes anglaises du XVIIe siècle. En rappelant cette origine, essentiellement politique, l'auteure propose une définition limpide des mécanismes et des contraintes qui font la spécificité du capitalisme.
L'antispécisme - la lutte contre toute discrimination fondée sur l'appartenance à une espèce animale - est plus explicitement politique que le végétarisme ou le véganisme, qui sont essentiellement des modes de vie. Dès la fin du XIXe siècle, des communautés végétariennes et des groupes de pression ont lutté contre l'exploitation des animaux, mais c'est en Grande-Bretagne, au milieu du XXe siècle, qu'une autre forme de militantisme radical est née, notamment avec la création du Front de libération animale (ALF).
Le présent ouvrage remonte aux origines de la cause animale et analyse la diversité des mouvements qui s'en réclament en étudiant de plus près l'antispécisme en France, au Canada et en Israël. L'auteur y aborde les points les plus sensibles de ce discours, tels que la comparaison entre les abattoirs et les centres d'extermination ou encore les liens avec l'esclavage et le sexisme. Il traite aussi du veganwashing, qui consiste à utiliser le véganisme pour occulter des injustices. L'ouvrage évalue ainsi les progrès de la cause animale et, plus globalement, de l'ouverture de nos sociétés aux questions liées à notre rapport aux animaux. Il a été écrit par un militant antispéciste, mais il ne s'agit pas d'un manifeste. C'est un portrait honnête fondé sur une trentaine d'entretiens et qui ne craint pas d'aborder les côtés moins reluisants du mouvement.
Emma Goldman tenait Voltairine de Cleyre (1866-1912) pour « la femme anarchiste la plus douée et la plus brillante que l'Amérique ait jamais produit », et ce jugement avancé il y a près d'un siècle n'a toujours pas été infirmé.
Pionnière du féminisme américain, poétesse, musicienne, celle qui se définissait comme une « anarchiste sans qualificatif » propose une réflexion originale qui touche à un très large éventail de sujets - notamment l'économie, la libre pensée, la philosophie, la religion, la criminologie, la littérature et l'action directe non violente.
L'oeuvre d'envergure de cette militante passionnée expose les raisons de sa révolte, témoigne de son espérance d'un monde meilleur et demeure, aujourd'hui encore, d'une brûlante actualité.
Cet ouvrage, réalisé sous la direction de Normand Baillargeon et de Chantal Santerre, réunit 16 essais majeurs qui couvrent l'ensemble de son parcours ainsi que 14 poèmes.
«Le tiers-monde n'était pas un lieu. C'était un projet.» Alors que les pays du Sud s'effondrent sous le poids des dettes et des effets délétères de la mondialisation, on oublie trop souvent que les peuples colonisés ayant conquis leur indépendance au XXe siècle s'étaient efforcés de mettre en oeuvre un programme politique axé sur la paix, la justice, la liberté, l'anti-impérialisme et le changement social.
Quelles ont été les dynamiques culturelles, sociales et politiques à l'origine de ce mouvement décolonialiste dans les pays communément appelés du «tiers-monde»? Comment leur rêve d'émancipation a-t-il pu mener au renouvellement cynique de l'exploitation et des rapports de domination? Les damnés de la terre sont-ils condamnés à demeurer inaudibles en cette ère de néolibéralisme?
Une histoire politique du tiers-monde relate les événements du point de vue de ces «nations obscures» qui, à partir des années 1950, ont réclamé une place dans la gestion des affaires du monde, tout en se dissociant des blocs de l'Est et de l'Ouest de l'époque. De Bandung au Caire en passant par Abuja, Bali et La Paz, Vijay Prashad pose un regard à la fois rigoureux et personnel sur les grands débats et les figures politiques qui ont marqué le Mouvement des non-alignés, restituant le souffle extraordinaire de libération qui les a animés. Qui, aujourd'hui, portera ces rêves de liberté, d'égalité et de paix?
Avec une nouvelle postface de l'auteur et un texte inédit d'Omar Benderra sur le mouvement citoyen en Algérie qui a débuté en février 2019.
Cet ouvrage rassemble, selon un ordre strictement chronologique, cinquante-six articles écrits par Nicole Loraux entre 1973 et 2003. Il donne à lire le déploiement discontinu, expérimental, de réflexions lisibles sur le même plan que celui des livres publiés, et l'effet d'après-coup de ces derniers, leur reprise sur d'autres plans - toutes ces lignes dessinant ensemble la vaste cartographie d'une oeuvre très singulière. L'article « La Grèce hors d'elle et autres textes », qui donne son titre à ce recueil, rappelle la méthode par laquelle Nicole Loraux n'a pas cessé, selon ses propres mots, de « trouver dans la Grèce (et en abondance) de quoi la faire sortir d'elle-même » en multipliant les stratégies comparatistes, les va-et-vient entre les champs disciplinaires les plus divers (philosophie, psychanalyse, ethnologie, philologie). Il en résulte un parcours intellectuel où apparaît, dominante et continue, l'analyse du discours que la cité athénienne a construit à son propre sujet en même temps que s'approfondit l'éclairage du conflit (stasis) constitutif de la démocratie. Enfin, l'attention toujours plus soutenue à « l'opérateur féminin », compris comme facteur de subversion de l'ordre politique de la cité, dominé par le masculin, suscite une approche originale et novatrice de la tragédie. Nicole Loraux découvre la dimension « antipolitique » de l'espace tragique, qui permet aux voix exclues de la parole civique de se faire entendre.
Communes, comités, conseils, assemblées révolutionnaires : le tournant du XIXe au XXe siècle charrie des expériences qui, au-delà de leur importance pour le mouvement ouvrier, inventent des composantes de la théorie démocratique aussi riches que sous-évaluées. En se situant en extériorité vis-à-vis de l'Etat, ces événements contribuent à une définition moderne de la démocratie radicale, envisagée comme autogouvernement ou démocratie par en bas. Par les principes qu'elle invente, la démocratie des conseils se donne pour horizon la déprofessionnalisation de l'activité politique et sa réintégration au coeur des activités sociales. Par son articulation originale entre destruction de la domination et reconstruction institutionnelle, elle expérimente une stratégie de transformation sociale aussi fertile que fragile. Par son rapport à l'organisation et à la représentation, elle démontre enfin que la démocratie est d'abord et avant tout un geste libérateur contre la tentation du chef. Bien qu'occulté par la tradition socialiste, le courant conseilliste issu de cette période élabore une pensée originale, qui reste d'une grande actualité pour qui s'intéresse aux formes modernes de la transformation sociale et démocratique. Plus que tout autre chose, cet ouvrage se veut donc une interrogation sur la signification profonde de la démocratie. Il ambitionne de combler une double insatisfaction : insatisfaction relative au flou qui entoure les théories d'une démocratie « approfondie » (participative, délibérative, radicale, etc.), et insatisfaction relative à la distance séparant ces théories des pratiques sociales qui ont concrètement expérimenté l'élargissement de la démocratie.
Louis Janover recourt à la méthode généalogique pour enjamber l'espace clos des périodes de l'histoire littéraire et artistique et jeter un nouveau regard sur le destin du surréalisme dans sa double dimension de révolution politique (transformer le monde) et de création de formes sensibles (changer la vie). Cette reconquête de l'histoire politique et artistique du surréalisme renvoie à une démonstration de la puissance d'inactualité de ce dernier. L'admiration très singulière des surréalistes pour Lautréamont, la révolte irrécupérable animant leur refus de l'art pour l'art, l'errance de Nerval dans le rêve et la vie, dans la ville et le Valois de sa jeunesse, l'amitié qui le lie à Heine, la force transformatrice des fictions théoriques et des poèmes, tout se retrouve dans le rejet des normes conformistes et son prix de solitude. Cette généalogie s'achève par le retour vers Jacques Vaché, protagoniste désespéré de la résistance à toutes les réductions culturelles contre lesquelles s'élèvera le surréalisme. Manière, pour Louis Janover, de rendre lisible l'écart qui s'est creusé entre la révolution surréaliste et le surréalisme artistique, et de faire de cette lisibilité le motif politique ou éthique d'une vigilance, sinon d'un réveil des consciences. À la pointe extrême de cette généalogie, au-delà du temps perdu des avant-gardes, se retrouvent Fondane et Artaud, le groupe du Grand Jeu, Daumal et Gilbert-Lecomte.